Nos Vignerons #4 – Le Mas de Cynanque

Une petite maison et dix hectares de vignes dans une belle AOC du Sud de France. Voilà l’acquisition de Xavier et Violaine De Franssu en 2004, initiant la création du Mas de Cynanque.

Le couple s’est rencontré au cours de leurs années d’études en école d’agronomie, à Montpellier. Après avoir chacun travaillé de leur côté, ils font le choix d’investir dans la vigne et créer ensemble.

Aimant la botanique, ils décident de fureter dans cet élément pour trouver l’inspiration qui donnera naissance au nom de leur domaine. C’est là qu’apparaît la Cynanchum Acutum (ou vulgairement connue sous le nom de Scammonée de Montpellier), une fleur que l’on trouve dans les pourtours méditerranéens.

Au début de leur aventure, avec peu de moyen et sans cave personnelle, le vin d’abord vinifié dans le garage. Mais au fur et à mesure de la construction de la cave du domaine, l’activité est transférée sur celle dernière.

Le temps de prendre ses marques et de se stabiliser, le domaine a pratiqué sur ses vignes une agriculture conventionnelle très raisonnée. Et c’est en 2009 que tombe officiellement la certification BIO. Pour les vignerons Violaine et Xavier, il y a trois raisons à ce changement. Premièrement, la maison familiale se trouve au cœur de leurs vignes. Il était hors de question, pour des raisons de santé, que la famille (notamment les enfants, qui jouaient dans les plantations) soit exposée quotidiennement à des produits nocifs. Secondement, ces mêmes produits, bien qu’ils traitent certains problèmes, sont un poison pour les sols. La dernière raison est la recherche de l’amélioration de leurs vins ; avec moins d’aide artificielle, la plante est obligée d’aller puiser dans les ressources de son terroir. Cet effort de la vigne se ressent alors dans les raisins.

« Mais la question était aussi de savoir si le bio est, de manière globale, écolo ? On s’est renseigné, et dans notre situation, ce changement était très intéressant. »

Aujourd’hui, le Mas de Cynanque compte seize hectares de vignes et tente de pratiquer une agriculture biologique et écologique.

Quels sont les changements constatés sur vos terres et vos vins depuis votre passage au bio ?

« Les trois premières années de la conversion sont assez dures avec une chute de rendements significative. Il y a aussi un peu de travail en plus. Du fait que la conversion soit en cours, on ne peut pas encore la valoriser. C’est une triple peine. Ce serait un gros point à améliorer pour convertir plus de personnes au bio.

Pour les vignes, nous nous sommes rendu compte qu’au bout de cinq ou six ans, il y avait un équilibre nouveau qui se créait au niveau des parcelles. Un peu plus d’autodéfense de la vigne.

Quant au sol, sans herbicide, on a une structure qui s’améliore significativement au niveau de la souplesse. Moins de mottes quand on laboure, un sol plus aéré. C’est très net. »

Avez-vous envie de pousser plus loin votre démarche en faveur de l’environnement ? Si oui, comment ?

« Le Déméter est quelque chose qui nous intéresse beaucoup. Mais nous ne sommes pas convaincus à 100% de l’efficacité de certaines facettes. Nous nous sommes renseignés un peu. C’est une méthode qui a été essentiellement mise en place sur des vignobles septentrionaux. Il pourrait être intéressant de faire une étude pour adapter le Déméter aux vignobles méridionaux. Nous n’avons pas le même climat que les vignobles d’Alsace, par exemple. Passer de la silice sur les vignobles du Sud où on a en général un excès de soleil… C’est un prisme qui réfléchit la lumière, ça peut brûler la vigne. C’est à pianoter avec délicatesse. »

Quel est votre cépage favori ?

« C’est le grenache ! C’est un cépage que j’ai appris à aimer petit à petit. Je me suis toujours un peu insurgé sur le fait qu’il y ait 30% de grenache obligatoire sur le Saint-Chinian ? Je me disais « quelle drôle d’idée, c’est un cépage qui amène beaucoup d’alcool. Avec le réchauffement climatique. Ca fait des vins de plus en plus capiteux. C’est pas du tout ce qui est recherché, etc ». Donc je n’étais pas du tout convaincu par le grenache et au fur et à mesure de sa culture, je me rends compte que c’est un cépage qui a pour moi deux intérêts : il est très adapté au Languedoc et c’est une belle éponge à terroir. Pour faire un bon grenache il faut vraiment un bon terroir. »

Concernant votre travail, avez-vous une période préférée dans l’année ?

« Je pense que c’est le printemps. Ce moment où tout démarre, c’est une période assez stimulante. On est très nettement conduit par le calendrier naturel. La vigne pousse, on est obligé de suivre le calendrier qu’elle impose. C’est un peu stressant car il peut y avoir beaucoup d’imprévus désagréables comme les insectes ou le gèle. Mais en même temps, c’est une promesse de récolte et c’est une période où le Languedoc est très vert. C’est vraiment beau. »

Et pour l’avenir, qu’envisagez-vous pour votre domaine, vos cuvées… Quels sont vos objectifs ?

« Poursuivre un peu le développement commercial. Nous vendons à peu près ce que nous produisons mais nous voudrions consolider pour être un peu plus serein. Nos objectifs pour les vignes et pour la cave sont plutôt atteints donc nous n’avons pas de changement de prévu de ce côté-là. Maintenant, nous réfléchissons, pourquoi pas, à faire un peu de diversification avec de la brasserie. Ca sécuriserait les années à faible rendements et ça rentabiliserait une partie de la cuverie. »

Avez-vous une référence culturelle favorite concernant le vin ?

« Ce n’est pas lié directement au vin, mais c’est sur ce fait là. C’est un opéra bouffe de Rossini, La Cenerentola. Ca tourne beaucoup autour de la fête et du champagne.  »

Ce soir, j’ai prévu de manger des pâtes à la bolognaise. Quelle cuvée de votre cru me conseilleriez-vous pour accompagner ce repas ?

« J’aurai deux accords possibles. Soit notre cuvée Plein grés qui est notre cœur de gamme. Composé des quatre cépages principaux de Saint-Chinian à parts égales sur du gré rouge. Il exprime des notes poivrées très légèrement mentholés, donc avec un peu de fraîcheur. C’est un accord assez intéressant. Sinon, il y a la cuvée Carissimo qui est un très vieux carignan planté en 1900 donc elles ont 121 ans cette année. Pareil, on est sur un vin qui est épicée : le carignan a toujours un côté un peu acidulé un peu frais, on va trouver le même accord avec un peu plus de puissance. Mais la même idée : fruit, épice et une certaine fraîcheur.

Puisqu’on parlait du grenache, on a une cuvée avec une grosse dominante de grenache : Amycitia. Pour une bolognaise je ne choisirai pas ça mais pour une viande blanche, elle accompagnerait parfaitement. »

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